
2 mai 2019
Comment définir le terme « talent », qui semble avoir supplanté celui d’employé dans le jargon RH ? La capacité d’une personne à sortir du lot dépend non seulement d’un cumul de facteurs divers, mais aussi du contexte.
Dans le monde des ressources humaines et des multinationales en particulier, le substantif « talent », utilisé non pas pour désigner une qualité (objet) mais bien une personne (sujet), semble avoir remplacé les termes d’employé ou de collaborateur. Mais qu’entend-on au juste par « talent » ? Pour Raphaël Laub, Associé chez Move UP, entreprise spécialisée notamment dans le recrutement de cadres et l’évaluation de collaborateurs, il existe autant de définitions qu’il y a d’entreprises. Un élément primordial est celui du contexte : une personne qui excelle à un moment donné dans un domaine spécifique ne brillera pas forcément de la même manière dans une autre entreprise.
La somme de plusieurs aptitudes
Loin de pouvoir être réduit à un seul élément, le talent chez une personne est constitué d’une somme d’apports différents : un excellent carnet de notes, par exemple, ne saurait être pris comme seul indicateur du potentiel d’un nouvel employé. Outre le rôle que joue l’environnement, c’est la somme de plusieurs aptitudes qu’il est pertinent de prendre en considération : aux éventuels dons innés s’ajoutent ainsi les connaissances, l’expérience et l’intelligence, mais aussi d’autres éléments liés davantage à la personnalité tels que la motivation, le caractère ou encore la volonté de s’investir et d’évoluer dans l’entreprise, tout en ayant conscience du sens de son travail et de sa contribution. C’est la cumulation de plusieurs facteurs qui permettront à une personne d’apporter une réelle différence dans un environnement défini, à un moment donné. Et quand bien même toutes les conditions semblent réunies pour voir grandir un talent, ce sont parfois des restrictions aussi simples que la structure hiérarchique, le manque de diversité ou la taille d’une société qui rendent alors toute évolution impossible.
Développer les profils prometteurs
S’il n’existe pas de consensus sur la définition de ce qu’est un talent en tant que sujet, il est en revanche primordial au sein d’une entreprise d’être au clair et de s’accorder sur les caractéristiques intrinsèques à tout employé – futur ou déjà en poste – qui tomberait dans cette catégorie. Savoir identifier et soutenir le développement de profils prometteurs permettra ensuite de mettre en place un système de « gestion des talents » pleinement intégré à la culture d’entreprise aux niveaux stratégique et opérationnel. Pour ce faire, encore faut-il que l’entreprise en ait – ou s’en donne – les moyens, ce qui n’est pas toujours possible ; de plus, le cadre à l’intérieur duquel pourraient grandir les recrues affichant des performances au-dessus de la moyenne doit être clairement posé. Des critères tels que l’industrie, le type de marché ou de clientèle sont autant d’éléments pouvant aider à déterminer le type de talent recherché. Comme l’explique Carole Tansley dans l’article « What do we mean by the term « talent » in talent management ? » publié dans la revue Industrial and Commercial Training en juillet 2011, dans les restaurants du chef cuisinier britannique Gordon Ramsay, le talent est vu avant tout comme le flair créatif des chefs en cuisine. Chez Google, les « Googlers », comme ils sont appelés, affichent une confiance en soi assumée, sont générateurs d’idées et ne craignent pas de sortir des sentiers battus.
Quant à savoir quelle est la répartition ou le pourcentage de talents au sein d’une population, à nouveau, deux points de vue s’affrontent. Le terme devrait-il être appliqué à l’ensemble des effectifs, partant du principe que chacun est un talent en puissance qui ne demande qu’à s’épanouir pour peu que le contexte le permette ? Ou la définition ne devrait-elle s’appliquer qu’à une poignée d’employés identifiés comme « particulièrement prometteurs » et traités comme tels, au risque de créer un clivage entre ces « heureux élus » et le reste de leurs collègues ? Comprendre le terme de façon inclusive implique que le talent de chacun se manifeste à des degrés divers et plus ou moins nécessaires à la bonne marche de l’entreprise. Appliquée à tous, l’expression perd bien évidemment son côté élitiste : certains employés seront ainsi indispensables alors que d’autres pourront facilement être remplacés. En réalité, cela revient au même que de distinguer les talents (sujets) des autres employés, juste en des termes différents. A l’inverse, considérer que seule une infime partie de l’effectif peut être qualifiée de « talents » peut certes permettre de mettre en place un système de gestion spécifique, mais pose également le risque de passer à côtés de talents déjà présents dans l’entreprise, par exemple dans des postes moins qualifiés ou chez des employés seniors aux nombreuses années d’ancienneté.